Comment protéger son manuscrit ?

Comment protéger son manuscrit ?

Pas besoin d’être un auteur reconnu ou édité pour être victime de plagiat ! Que l'œuvre soit aboutie ou en cours d’écriture, qu’elle ait déjà été partagée au grand public ou non, les risques sont bien réels. Et ils peuvent tout autant intervenir aujourd’hui que dans dix ans. Il en va donc de votre intérêt (et surtout de votre tranquillité d’esprit) de protéger votre manuscrit. Le terme “manuscrit” est donné ici au sens large et n’évoque pas un genre en particulier. Documentaire, BD, roman, théâtre, nouvelle, thèse, article : tous les écrits sont concernés.

Faisons le point sur les droits d’auteur

On pourrait penser que, de facto, une œuvre est protégée par le droit d’auteur et que cela suffit à vous prémunir en cas de plagiat, pour prouver votre bon droit sur votre manuscrit. En réalité, c’est plus complexe que ça. Le droit d’auteur n’est pas une précaution suffisante et si vous souhaitez partager votre manuscrit à d’autres personnes (proches, maison d’édition, bêta-lecteurs…), il est plus prudent de prendre des garanties complémentaires.

Le plagiat est interdit grâce aux droits d’auteur

En principe, les droits d’auteur dont l’artiste est titulaire sur son œuvre empêchent toute autre personne de l’exploiter sans l’autorisation de son auteur. Mais certains trichent et abusent sans rougir…

Le plagiat est la copie abusive d’une œuvre (quelques passages ou en entier), dont on s’attribue la paternité. Attention, on parle bien ici d’un manuscrit et non seulement d’une simple idée, d’un concept. Ce plagiat peut se faire en ligne, sur un devoir scolaire, un livre édité, transformé en série Netflix ou en pièce de théâtre parisienne : bref, le plagiat ne conserve pas toujours la forme originelle de l'œuvre copiée.

Il y a une exception précise au plagiat : la courte citation. Elle est définie à l’article L. 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle :

Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source, les analyses et courtes citations.

Et même pas besoin de demander votre autorisation ! Toutefois, cette citation doit avoir un “caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information”.

À quel moment votre manuscrit est protégé par les droits d’auteur ?

Dès lors que vous avez créé une œuvre, vous êtes en possession de ces droits d’auteur, même si aucun contrat avec un tiers ne le verbalise pour l’instant. C’est ce que dit l’article L 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle :

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Les droits d’auteur sont composés :

  • des droits moraux, que vous conservez toute votre vie et qui montrent la création et la paternité inaliénable de l'œuvre,

  • des droits patrimoniaux, que vous pouvez céder et qui permettent l’exploitation et la commercialisation du manuscrit.

Pour les obtenir, pas de formalités à remplir, c’est automatique ! Vous devez seulement être l’auteur de cette œuvre originale.

Si la présence des droits d’auteur vous place apparemment gagnant face à un plagiaire, il y a des limites. En effet, si vous vous retrouvez devant cette situation, vous devrez prouver votre paternité de l'œuvre, mais surtout de son antériorité par rapport au plagiat !

Le droit d’auteur vous protège VOUS, en vous permettant d’être rémunéré pour l’exploitation de votre manuscrit. Mais ce n’est pas suffisant pour protéger votre manuscrit de manière sécuritaire.

Quelle est la différence entre les droits d’auteur et le copyright ?

Il nous semblait important d’aborder ce point, car une confusion existe encore entre ces deux concepts. Certaines entreprises en profitent même pour vous faire acheter les copyrights de votre œuvre afin de (soi-disant) protéger votre manuscrit…

Le copyright protège une œuvre. Il est appliqué dans les pays du “Common law” (États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni…). Il n’a aucune valeur en France ou dans les autres pays de l’UE. Le petit symbole © utilisé parfois a donc seulement un caractère informatif. De plus, il faut faire une demande spécifique pour l’obtenir. Or, les droits d’auteur, régis par le Code de la Propriété Intellectuelle en France, sont automatiques dès la création du manuscrit et protègent avant tout l’écrivain et ses ayant-droits.

Le copyright, qui est rattaché à une œuvre, sert à mettre à l’abri les exploitants de celle-ci (et pas vraiment son créateur) en leur donnant un certain nombre de prérogatives. Il ne concerne pas des droits moraux : sa logique est avant tout économique. C’est un système parallèle aux droits d’auteur qui s'applique dans chaque pays du Commonwealth et aux États-Unis.

Livre (auto-)édité et dépôt légal : est-ce suffisant ?

Les droits d’auteur offrent une protection minimale. Mais cette dernière est renforcée par l’obligation du dépôt légal d’un exemplaire de l'œuvre à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ainsi, il y a une date qui peut si besoin être retenue pour prouver l’antériorité de votre création et protéger votre manuscrit.

Toutefois, le dépôt légal a, lui aussi, ses limites :

  • Et s’il faut prouver une antériorité avant la date de cette démarche ?

  • Et si votre livre n’est pas édité ?

Car oui, le dépôt légal à la BNF ne concerne que les ouvrages édités à compte d’auteur, à compte d’éditeur ou en auto-édition. De plus, des cas de jurisprudence ont montré que le dépôt légal ne suffit pas toujours à prouver la paternité d’un manuscrit devant les tribunaux : ça peut très bien être un plagiaire qui a fait éditer et déposer l’ouvrage en question à la place de l’auteur véritable ! Il convient donc d’aller plus loin pour protéger vos écrits, et surtout de le faire au plus tôt.

Les différents moyens de protéger votre manuscrit

Nous allons passer en revue toutes les possibilités pour protéger votre œuvre et vous garantir une certaine sécurité face à un possible plagiat. Nous avons classé ces moyens des plus simples et accessibles aux plus complets (mais aussi plus coûteux). 

Protéger son manuscrit en l’envoyant par e-mail

Il est possible d’envoyer votre manuscrit à vous-même, par e-mail. Depuis la loi du 13 mars 2000 sur l’adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, cette méthode est recevable devant un tribunal ! Pour cela, nous vous invitons à en faire une version PDF non modifiable que vous mettrez en pièce jointe du message.

Il y a également d’autres règles importantes à suivre :

  • Utiliser une boîte mail d’un service de messagerie comme Gmail, Outlook, etc. En effet, si vous utilisez une adresse e-mail avec un nom de domaine vous appartenant (celui de votre entreprise ou de votre site web particulier par exemple), cela implique que vous avez potentiellement accès aux serveurs. Vous pourriez alors falsifier la date d’envoi.

  • L’adresse e-mail doit absolument permettre de vous identifier, avec votre prénom et votre nom. Dans le message, n’hésitez pas à repréciser ces informations, ainsi que votre nom de plume le cas échéant, votre adresse et la date d’expédition.

  • Il est important d’éviter d’envoyer des fichiers modifiables (docx par exemple) ou des liens vers de tels fichiers (Google Doc notamment). En effet, même si ces derniers peuvent restreindre leur accès et montrer l’historique des modifications, la possibilité d’éditer le texte entre-temps est une difficulté de plus pour vous défendre de votre bon droit dans un tribunal.

  • Nous vous conseillons de ne pas ouvrir l’e-mail, pour en garantir l’intégrité : une nécessité exigée par cette fameuse loi de 2000.

Cette solution simple et rapide n’est pas sans danger : une boîte e-mail peut être piratée, le mail en question effacé par erreur, les identifiants perdus… Mais c’est idéal pour commencer et pour protéger régulièrement son manuscrit en cours d’écriture. Et c’est une sauvegarde supplémentaire, au cas où !

S’envoyer une lettre recommandée

Glisser votre manuscrit dans un courrier que vous vous envoyez à vous-même en recommandé avec accusé de réception : une solution simple et efficace. Il faut qu’il soit sous un format physique : CD, imprimé, clé USB… L’idéal est de combiner plusieurs moyens, on ne sait jamais !

Une fois que vous recevez l’enveloppe chez vous, il est primordial de la garder fermée pour conserver l’intégrité de cette preuve. Afin de vous garantir encore plus, placez l’autocollant de l’accusé de réception sur le rabat de l’enveloppe. Le cachet de la poste fait foi si vous devez prouver l’antériorité de votre manuscrit en cas de plagiat.

Cette méthode n’a pas de limites de validité dans le temps, mais il y a toujours un risque que l’enveloppe soit perdue ou détériorée. Si jamais il faut ouvrir le courrier pour vérifier qu’il s’agit bien de votre manuscrit, cela doit impérativement se faire devant un huissier, sinon vous en perdrez tous les bénéfices.

Protéger son manuscrit en ligne

De nouvelles plateformes web vous proposent de protéger votre manuscrit, contre rémunération. Il s’agit d’une démarche pouvant s’effectuer directement en ligne qui prouvera votre identité et vous proposera un horodatage certifié. Cette possibilité est rendue réalisable par la même loi du 13 mars 2000 qui fait de la signature électronique une preuve recevable en matière de droit. Selon les sites web, certains demandent l’envoi des écrits en pièce jointe dans un e-mail qui leur est adressé, ou bien de l’archiver sur leurs serveurs lors d’un dépôt en ligne (CopyrightDepot, MaPreuve ou fidealis par exemple).

Pour qu’une attestation de dépôt soit reconnue en France comme preuve d’autorité, le site doit impérativement avoir une certification européenne ou nationale. Il faut examiner les détails au cas par cas pour chaque plateforme web : certaines proposent une protection dans plusieurs langues, dans plusieurs pays, avec un copyright ou pas, pour une durée limitée ou à vie, etc. Nous vous recommandons de bien lire les contrats. Une question demeure : si le service, le site web, ferme, qu’en est-il de cette protection du manuscrit ?

Avoir recours aux sociétés d’auteurs

Les sociétés d’auteurs ont, parmi leurs rôles, de proposer le dépôt de vos œuvres. Pour protéger votre manuscrit du plagiat, il s’agit d’une valeur sûre et recevable afin de faire valoir vos droits en cas de litige ou de procédure judiciaire.

En tant qu’écrivain, c’est avant tout à la SGDL (Société des Gens de Lettres) qu’il faudra vous adresser. Via sa plateforme Hugo (anciennement Cléo et Cléo+), vous pouvez effectuer un dépôt numérique : un certificat de dépôt horodaté vous sera alors délivré. Tous les formats de fichiers sont acceptés et c’est ouvert à tous les créateurs, qu’ils soient membres de la SGDL ou non.

Le plus ? Votre œuvre est archivée dans un coffre-fort numérique personnel, accessible de vous seul. Idéal pour offrir une sauvegarde supplémentaire à votre manuscrit, contre les détériorations ou les pertes de données. Vous pouvez même protéger différentes versions successives de votre œuvre si elle est en cours d’écriture. Le tarif du dépôt est fixé à 10 euros pour une année de protection, quel que soit le poids du fichier déposé (-50 % pour déposer une nouvelle version seulement). Il est bien sûr possible de renouveler cet “abonnement”.

Il faut noter également que la SGDL propose aussi un dépôt physique, au tarif de 45 euros pour 4 ans, ou 40 euros si vous avez préenregistré l'œuvre en ligne en amont. D’autres sociétés d’auteur proposent ce même type de services :

  • La Société des Auteurs-Compositeurs Dramatiques (SACD)

  • La Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM)

  • Le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC)

  • L’Agence pour la Protection des Programmes (APP)

L’enveloppe Soleau à l’INPI

Il s’agit de la solution la plus connue pour protéger votre manuscrit. Depuis avril 2023, seul un service dématérialisé subsiste : la vente d’enveloppe Soleau papier ne se fait plus. La démarche e-Soleau établit une “preuve de l’existence de votre création à une date donnée”.

C’est ouvert à tous, rapide, clé en main. Comme avec la SGDL, vous bénéficierez d’un archivage sécurisé de votre œuvre. Vous pouvez même en déposer plusieurs : pour chacune, une empreinte unique est générée et vous est livrée après la procédure.

La durée de conservation est de 5 ans, renouvelable une fois. Les tarifs varient selon la taille de vos documents numériques : 15 euros pour 10 Mo (mégaoctet), puis 10 euros pour 10 Mo supplémentaires. Tous types de fichiers sont acceptés : audio, vidéo, texte… Le problème ? Votre œuvre n’est plus protégée une fois la période du deuxième renouvellement passée. Il faudra donc trouver une autre solution au bout de 10 ans.

Attention : bien que cette démarche soit à réaliser auprès de l’INPI (Institut national de la Propriété Intellectuelle), il ne s’agit pas d’un dépôt de brevet ou de marque. L’enveloppe e-Soleau ne confère pas de droit à la propriété intellectuelle. Ce qui prime, encore une fois, c’est bien de pouvoir prouver une antériorité en cas de plagiat.

Le dépôt chez le notaire ou l’huissier

Voici des solutions valables à vie, même si elles sont plus coûteuses (minimum 150 euros). Le constat d’huissier ou le dépôt chez le notaire consiste à remettre votre œuvre à un huissier ou à un notaire. Cet officier ministériel agréé va en donner toutes les caractéristiques dans un acte authentique. Attention toutefois : même si la valeur juridique de ces actes est réelle, il faut les faire assez vite avant qu’un potentiel plagiaire ne réussisse une démarche similaire pour prouver son antériorité en premier !


Pour finir, il nous semblait important de rappeler que les lois sur les droits d’auteur changent d’un pays à l’autre. La protection française n’est pas toujours reconnue à l’étranger. Mais la convention de Berne de 1886, signée par 176 pays, va dans le sens d’une application quasi mondiale des droits d’auteur, appuyée plus tard par la Convention universelle sur le droit d'auteur de Genève. Protéger votre manuscrit est tout de même nécessaire, et pas seulement contre les plagiaires ! Cela vous garde des cas de contrefaçons ou d’utilisations non autorisées de votre œuvre.

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Elodie Poivert

Plume de Talers.

Tellement fan d’Harry Potter qu’elle a appelé sa fille Hermione 🪄

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